TEXTES



Lilt


Blanche ou noire la magie, dit-on, a été balayée par la science. Quand aux rêves, on n’ose plus en parler depuis que Freud est passé par là : il a un peu le monopole du sujet. Oui mais voilà, existent Camille et Aude. Existe Lilt et ses songes surnaturels.

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On a trop tardé à vous parler de ces deux voix*. Ou peut-être devrais-je dire une seule voix qui se dédouble, se distord, s’infléchit, se rompt en suivant le fil des mélopées mélodramatiques composées par ces deux filles presque sœurs, presque jumelles. Camille et Aude proposent une respiration, un rythme, une certaine manière de parler du rythme. Charmantes et charnelles, quand elles sont assises côte à côte sur scène, on dirait qu’elles donnent de leur corps pour freiner la course du temps. Gardiennes et passeuses à la fois, elles sont postées à l’entrée d’un chemin qu’elles ont dessiné à la craie derrière leur chaise, comme une marelle. Pour toutes les naïades qui se sont noyées dans la vie, elles allument des néons dans l’entrepôt du néant.

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Loki Starfish


Le plus souvent, si les bons groupes sont difficiles à cerner c’est parce qu’ils entretiennent des rapports ambigus avec les frontières. Inlassables arpenteurs des zones grises, ils aiment les jonctions et les marges, les carrefours et les confins, les no man’s land et les Zabriskie point. Loin du mainstream, ils embarquent pour un voyage où l’étrangeté de l’étranger sera, par principe, toujours préférée à la ressemblance du semblable : ils colonisent le territoire du flou artistique.

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 Loki Starfish appartient à cette catégorie de groupes qui, de tissages en métissages, a fini par trouver sa place à cheval sur plusieurs univers créatifs, plusieurs styles musicaux, plusieurs formes d’art. Quand on les fait parler de leur nom, on réalise que l’ambivalence est bien au cœur du projet : Loki est une divinité scandinave dont la spécialité est justement la tromperie, la ruse, le changement d’apparence. Et que font-ils d’autre que nous dérouter tout au long des 15 titres qui composent leur premier album, où d’une partition à l’autre ils manient l’art de la métamorphose comme les étoiles de mer l’art de se régénérer ? Leurs morceaux sont bien, au sens physique du terme, des « morceaux », des parties séparées d’un « tout » que l’écoutant patient et passionné doit reconstituer pour retrouver le sens caché des choses.

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Peru Peru


Vous seriez en train de laver les vitres de votre appartement avec un chiffon imbibé de curaçao ou de manzana. Après quelques instants, les vitres céderaient à l’ivresse, le monde extérieur deviendrait flou, se mettrait à tourner, la rue que vous connaissiez si bien prendrait des reflets bleu-vert, les passants se mettraient à chanter, les chiens à danser, les chats à chatoyer, les vélos à voler, et soudain sur le trottoir d’en face, impavide et sûr de lui comme un bourgeois cossu et ventripotent de la Belle Epoque, un lama péruvien ferait son apparition, et personne ne s’en étonnerait. Sans le savoir, vous venez d’entrer dans le monde de Peru Peru.

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C’est un sentiment de liberté. Ca rappelle les années d’avant, avant les ceintures de sécurité et avant les préservatifs ; l’époque où on dansait en pleine campagne dans des décapotables un peu niquées, debout sur le cuir usé des banquettes ; l’époque où une fille pétillante, pieds nus sur le bitume se rebellait parce qu’elle savait au plus profond d’elle même qu’elle avait raison, qu’elle allait dans le sens de l’histoire. On pense toujours que les générations passées ont grandi plus libres. Je ne dis pas que les Peru Peru sont des révolutionnaires, mais ils portent en eux la nostalgie d’une liberté perdue qu’ils ressuscitent dans un grand éclat de rire franc et joyeux, sans arrières pensées. Peut-être est ce quelque chose comme la nostalgie de l’enfance, des peluches qu’on serrait dans nos bras le soir, des écureuils à qui on donnait à manger le dimanche après midi, des grands verres de lait qu’on buvait à l’heure du goûter.

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Pilöt


N’importe qui ayant déjà mis les pieds dans une cour de récré vous le dira : à moins d’une dose massive de sédatifs, c’est l’apocalypse. N’importe qui ayant jeté une oreille sur les routes fiévreuses de Pilöt vous répondra : tant mieux.

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Ce groupe de gamins malades possède la faculté stupéfiante de réveiller en vous les soifs sauvages. De faire bouillonner ce qui, une seconde plus tôt, barbotait dans une tiédeur moite. Leur musique : à la fois une berceuse étrange et une transe hurlante. Une mêlée de joie, de rage, d’impulsions électriques et d’envie de chasser.

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OK


Aux environs de la quarantaine, il existe un intervalle de temps assez bref où le jeune crétin devient un type ok avant de se transformer en vieux con. Circulant le plus souvent à Paris dans une Opel Corsa, l’individu en question emmène sa femme et ses deux enfants à Megève tous les hivers et en Tunisie tous les étés. Il lit Jean d’Ormesson et Paris Match : la non-vie lui appartient.

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Le groupe dont nous vous parlons ce mois ci a beau s’appeler « OK », le choix du nom est un leurre, presque une bonne plaisanterie. Guillaume Magne et ses deux batteurs (oui deux !) – Seb Brun et Jeremie Piazza – n’ont certainement pas le profil des gens ok. Quand on rentre dans leur univers en appuyant sur « play », c’est comme si on poussait la porte d’un vieux laboratoire, un labo sans pipettes et sans fioles mais bourré de quatre pistes cassettes et d’instruments bizarres. Dans la quiétude de leur confinement, ces trois désosseurs de sons bricolent des rythmes qui viennent de nulle part, des petits bouts d’utopies qu’ils exhument, insèrent, agrègent, ressuscitent, on ne sait pas très bien.

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Violent Scaredy Cats


Simplifions. Dans la grande famille de la scène rock française, on rencontre plusieurs catégories d’obsédés. Il y a par exemple l’obsédé méthodique, celui qui aime tout décortiquer. Au plus fort de sa névrose, il n’est pas rare qu’on le découvre éveillé dans sa cuisine vers 5h du matin en train de comparer le son d’une Leffe brune et d’une Affligem triple quand on les verse dans un verre. Il enregistre les deux effets sur un Nagra dernier cri et note ses observations dans un carnet Moleskine de format A5, revêtu d’une peau de mouton. A Subjective, on aime bien ce type de zikos psychotique qu’on a souvent mis à l’honneur de notre webzine.

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Les Violent Scaredy Cats appartiennent à un autre genre d’obsédés et on les aime tout autant. Au début, je pensais qu’ils étaient Anglais. Je les imaginais en train de jouer dans des caves à Sheffield ou à Manchester, un peu dandys, un peu crades, devant un public surchauffé où les visages évoquent vaguement les personnages de Full Monty. En fait, ils viennent d’Amiens – seul le chanteur est British – mais ils trimbalent avec eux cet héritage anglo-saxon qu’ils cherchent à sublimer. Obsédés par l’efficacité, ils ont un sens inné du rythme qui, presque par effraction, va s’incruster dans votre mémoire, devenir indélogeable, et changer la couleur des nuits en un violet sombre et épileptique.

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Lolito


Bordel de Pfiou, qu’est ce que ça fait du bien.

Un groupe qui prend des risques sans se prendre la tête, avec des chansons à tomber par terre, qui joue avec grâce et une joie évidente. On retrouve l’excitation géniale du gamin qui monte pour la première fois sur une balançoire, et qui comprend qu’il peut filer sans danger à toute vitesse. Un truc à la fois hyper énergique, et d’une gentillesse absolue. Nous, dans le public, électrisés, on fond tous, forcément.

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Ils sont là, ils s’échangent les instruments, ils te sortent des tubes comme sans faire attention, et puis la chanteuse, là, Anne, qui pousse des hurlements magiques comme si c’était normal.

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